Chapitre 80 : le retour de Church

Publié le par RoN

Désespérée. A bout de forces. Gina n’avait même plus assez d’énergie pour pleurer. Depuis combien de temps courrait-elle, s’écorchant les bras et le visage sur les branches qui lui barraient le passage ? Blottie entre ses seins, Alice était toute calme, mais sa mère savait que cela n’était que temporaire. La goule ne les lâchait pas et le bébé le sentait. Gina avait tenté de se cacher, profitant de son avance pour se recouvrir de feuilles. Si elle avait été seule, cela aurait probablement fonctionné. Mais la petite Alice était trop jeune pour rester silencieuse, et dès que le monstre se rapprochait, elle ressentait sa présence et se mettait à geindre, révélant leur position. Sans aucune arme, l’institutrice ne pouvait que fuir, mettre le plus de distance possible entre elle et cette créature de cauchemar dans l’espoir qu’elle abandonne la poursuite.
Que s’était-il passé à la base ? Jack avait-il survécu ? Ses camarades étaient-ils parvenus à s’enfuir ? Elle s’était trop éloignée pour le savoir. Par bonheur, elle n’avait rencontré aucun autre zombie pour le moment, mais celui qui la poursuivait était tenace et extrêmement endurant. Beaucoup plus que la jeune femme, dont les jambes se faisaient de plus en plus lourdes. Ses poumons étaient devenus deux sacs de feu dans sa poitrine, sa gorge un désert aride. La soif et la peur lui faisaient tourner la tête.
Elle finit par trébucher et roula au sol, manquant d’écraser Alice sous son poids. La terreur au ventre, elle scruta les alentours, essayant de repérer le monstre. Celui-ci restait invisible, mais un mouvement à la limite de son champ de vision lui apprit qu’il était toujours là. Le silence était oppressant, seulement rompu par quelques craquements et frottements, signes que la goule se rapprochait.
Exténuée, Gina songea à baisser les bras. A quoi bon continuer à fuir ? Elle ne réussirait pas à semer ce monstre. Ses amis étaient morts ou déjà loin. Personne pour l’aider, personne pour la protéger. Elle était seule. Seule ? Non, le petit être qui gigotait dans ses bras lui prouvait le contraire. Une créature si jolie mais si fragile, dont la survie dépendait entièrement de sa mère… L’institutrice serra les dents. Jack s’était sacrifié pour lui permettre de fuir. Il était hors de question d’abandonner. Elle devait sauver sa fille, et donc sauver sa propre vie.
Alice grimaça et se mit à pleurer. La goule approchait.
« Je reviens tout de suite, ma chérie… » murmura Gina en lui collant un baiser sur le front.
Elle déposa l’enfant à même le sol et jeta un coup d’œil aux alentours. Avisant une solide branche, elle y pesa de tout son poids pour la briser et obtenir un bout plus ou moins pointu. C’était très rudimentaire, mais elle doutait d’être capable de se trouver une meilleure arme en ces circonstances. Et elle n’avait plus de temps. Se retournant vers son bébé, elle constata avec un frisson d’effroi que le zombie les avait retrouvées. Ne montrant pas le moindre signe d’essoufflement ou d’épuisement, le monstre avançait tranquillement vers l’enfant, la bave aux lèvres et ses yeux morts emplis d’une lueur sauvage. Bien que très jeune, Alice percevait parfaitement la menace et faisait tout pour ramper loin du zombie en pleurant.
« T’approche pas de mon bébé, saloperie ! » hurla Gina en se ruant vers l’enfant.
Elle s’interposa entre Alice et la goule, brandissant sa lance de fortune pour faire reculer le monstre. Ce qui fonctionna dans une certaine mesure. Le zombie était un évolué, aux longs membres élargis et, Gina le savait, doté d’un semblant d’intelligence ou en tout cas d’un certain contrôle de soi-même. Alors qu’un infecté commun aurait foncé sans réfléchir, l’évolué fit quelques pas en arrière, analysant la situation et cherchant la solution la plus efficace pour s’attaquer à ces deux proies.
Gina n’avait pas l’étoffe de Jack ou de Kenji. Beaucoup moins expérimentée qu’eux, elle n’avait jamais affronté de zombie à l’arme blanche, encore moins les dangereux évolués. La terreur lui tordait les tripes, mais qu’importe. Elle était prête à tout pour protéger la chair de sa chair. Ses gestes étaient désordonnés, ses muscles raidis par la fatigue, mais sa détermination exhalait par tous les pores de sa peau. Elle était dangereuse, oh oui, et la goule le sentait très bien.
Le monstre tenta de feinter, de prendre Gina à revers, mais la jeune femme réussissait toujours à le faire reculer, sans pour autant parvenir à lui placer un coup mortel. Cela était parfaitement égal au zombie : aussi patient qu’un cadavre, il persévérerait aussi longtemps que cela serait nécessaire. Cette faible humaine finirait bien par ne plus avoir de force à lui opposer.
Pour le moment en tout cas, elle tenait le coup. A chaque instant de désespoir, à chaque fois qu’elle se croyait fichue, les pleurs de sa fille lui octroyaient l’énergie suffisante pour lever sa branche et repousser une nouvelle fois le monstre.
Mais tout à coup, les gémissements d’Alice se tarirent. Curieusement, la goule elle-même sembla jeter un regard derrière Gina avant de reculer de son propre chef. L’institutrice se retourna rapidement pour s’assurer que on bébé allait bien, et ses yeux s’écarquillèrent d’effroi. Car un autre monstre était arrivé dans son dos et se penchait sur l’enfant. Ses longues griffes noires effleuraient le visage d’Alice, ses muscles puissants saillaient autour des os épais et plats, sa bouche s’étirait en un rictus terrifiant. Le diable en personne qui regardait l’innocence pure dans les yeux. Fascinée par ce prédateur effroyable, le bébé ne pleurait plus. Aucune peur dans ses yeux. Ce qui n’était pas le cas de Gina.
« Ne la touche PAAAAS ! » hurla-t-elle en se précipitant vers le zombie, l’adrénaline pulsant dans ses veines.
La goule se redressa et l’institutrice suspendit immédiatement sa charge. Si les zombies portaient parfois des cicatrices, résidus de leur ancienne vie ou blessures récentes, celle qu’arborait ce monstre était très particulière. Un cercle parfait au niveau de la poitrine, rond blanchi sur la peau sombre, ce qui ne pouvait pas porter à confusion. Quand Jack avait raconté à ses proches la fuite du docteur Church, il avait mentionné le fait que le scientifique s’était marqué à l’acide, peut-être pour se rappeler à lui-même qu’il avait un jour été humain. C’était bien lui, il n’y avait aucun doute. Mais était-il encore capable de penser ? Rien dans son attitude ne le différenciait d’un évolué sauvage.
« Church ? hasarda la jeune femme, incapable de bouger. Doc ? C’est moi, Gina. »
L’ancien scientifique la comprenait-elle ? Impossible de le savoir. Pas un son ne sortait de sa bouche, et son regard de goule était indéchiffrable. Il n’aurait eu qu’un geste à faire pour s’emparer d’Alice sans que Gina puisse intervenir. Céder à ses pulsions, mordre ce petit être totalement impuissant. Les bébés pouvaient-ils devenir des goules ? Des créature pitoyables pouvant à peine se déplacer, mais errant sans cesse à la recherche d’une proie comme leurs homologues adultes ? Mieux valait ne pas le découvrir.
Paralysée devant la scène, Gina avait complètement oublié le premier zombie, dans son dos. Celui-ci avait reculé respectueusement en apercevant le docteur Church, goule à un stade plus avancé de sa métamorphose, mais pouvait revenir à la charge d’un instant à l’autre…
Sous les yeux de Gina, Church se ramassa sur lui-même. Avant que la jeune femme ait pu esquisser un geste, il bondit vers elle à la vitesse de l‘éclair. L’institutrice crut bien que tout était fini. Mais le docteur se contenta de la bousculer, pour fondre sur l’autre zombie qui n’était plus qu’à un mètre derrière elle. Les deux créatures roulèrent dans les fougères, agrippées l’une à l’autre dans une étreinte monstrueuse, tandis que Gina récupérait Alice. La jeune femme contempla la scène, éberluée, incapable de s’enfuir.
Le monstre qui l’avait poursuivie se dégagea et recula en arrière, jaugeant son agresseur avec un regard très étrange. Mais que faisait donc cette goule, à s’attaquer à ses semblables ?? Les monstres étaient bien incapables de comprendre un tel comportement, parfaitement contre-nature.
Pourtant, le docteur Church avait l’air décidé. Les muscles bandés, toute son attention concentrée sur son compatriote zombie, il se rapprochait lentement de lui. Jusqu’à pouvoir lui porter une attaque foudroyante de ses griffes noires. Le coup laissa trois longues traînées visqueuses sur le torse de la créature, qui considéra sa blessure avec curiosité. Elle finit par comprendre. Homme ou goule, celui qui se dressait devant elle était un ennemi. Ouvrant grand ses mâchoires, elle se rua sur Church et tenta de le mordre au bras. Parfaitement insensible à la douleur, celui-ci la laissa faire, et referma sa main libre sur la nuque du zombie. Les griffes s’enfoncèrent dans la peau du monstre, qui lâcha sa prise, surpris de constater que sa morsure était sans effet. Il tenta de reculer, mais c’était trop tard. Church était plus évolué, beaucoup plus fort. Sa deuxième main agrippa la gorge du zombie et serra, serra. La goule se débattit, ses griffes labourant le corps de son adversaire, mais c’était inutile. Les doigts de Church se resserraient avec une puissance inouïe, pénétrant peu à peu dans le cou du monstre. Et bientôt, ses deux mains se rejoignirent, avant d’arracher purement et simplement la monstrueuse tête. Le corps se détendit, s’affaissa au sol, et la goule fratricide considéra un instant le crâne de son semblable, visage déformé dans ses mains pleines de visque. Il finit par relâcher la tête et se tourna vers la jeune femme qu’il venait de sauver. Avait-il conscience de son acte, ou bien cela avait-il été une dernière réminiscence de sa vie d’humain ?
Gina ne le su jamais. Pendant un instant, elle craignit que le docteur ne se jette sur elle, mais celui-ci se contenta de ramasser le corps sans vie du zombie, le mordre un bon coup et le jeter sur son épaule. Il lança un dernier coup d’œil à cette humaine et son bébé, avant de s’éloigner à grands bonds. Gina le regarda disparaître, adressant mille remerciements à cette créature terrifiante mais qui venait de la sauver, et finit par se laisser tomber sur les fesses, ses jambes refusant de la porter plus longtemps. Toute la tension retomba d’un coup, et elle ne pu résister aux bras de Morphée qui l’emportèrent durant plusieurs heures.
Elle fut réveillée par les pleurs d’Alice, et fut instantanément sur ses gardes, au cas où une autre goule les ait retrouvées. Mais tout était parfaitement calme dans la forêt, et les gémissements de la petite avaient une cause tout à fait naturelle : la faim. Gina la nourrit en réfléchissant à ce qu’elle allait faire. Elle n’avait pas beaucoup d’options.
Une fois la petite rassasiée, elle aspira elle-même un peu de lait de son sein, de quoi soulager sa gorge torturée par la soif et lui apporter un peu d’énergie. Puis elle reprit la direction de la base, restant la plus discrète possible. Elle ne rencontra heureusement aucun zombie, ni sur le chemin ni dans le camp. De très nombreux cadavres jonchaient le sol de la base, mais Gina fut heureuse de voir qu’elle ne trouvait pas celui de Jack, ni d’aucun de ses proches. Finalement, le dernier bus avait sans doute réussi à partir, emportant l’armée de goules dans son sillage. Mais dans sa fuite, l’institutrice l’avait manqué. Elle se retrouvait isolée, bloquée dans les ruines de ce camp. Son unique espoir était que ses amis reviennent la chercher ou bien que d’autres survivant se ramènent, attirés par le message radio qu’ils diffusaient jusqu’à la veille. Il lui fallait survivre et être patiente.
Aussi s’organisa-t-elle de son mieux, récupérant tout ce qui pouvait lui servir dans les débris calcinés. Quelques armes étaient éparpillées au sol. Des boites de conserve traînaient ça et là. Les cultures n’étaient pas entièrement détruites. Il restait même une petite quinzaine de pieds de super-weed, ce qui lui apporta un peu de réconfort bien que la drogue ne soit pas bien sèche. Elle se servit d’une grande bâche pour se construire un toit rudimentaire au-dessus du cratère creusé par l’explosion de la dynamite. Elle s’installa du mieux possible, regroupa les cadavres, goules d’un côté, humains de l’autre. Elle ne dénombra pas exactement le nombre de morts zombies, mais les adamsiens s’étaient défendus comme des démons. Une vingtaine de victimes du côté des hommes, et plusieurs centaines chez les goules.
Gina resta seule une bonne semaine, à survivre, s’occuper d’Alice et espérer. Elle songea à partir sur les routes, à chercher elle-même ses amis. Un 4X4 était miraculeusement resté intact, mais voyager seule était extrêmement risqué, elle le savait. Des goules isolées arrivaient parfois au camp et elle s’en débarrassait sans difficulté. Mais les routes étaient envahies de nombreuses hordes, contre lesquelles elle serait impuissante.
Heureusement, son attente finit par être récompensée, puisqu’une semaine après la destruction de la base arriva un bus renforcé. Elle espéra au début que ses amis étaient revenus la chercher, mais en se rendant compte que le véhicule était occupé par des inconnus, elle avait préféré se dissimuler jusqu’à en savoir plus. Ce bus correspondait parfaitement à la description des véhicules utilisés par les Raiders. Heureusement, elle se rendit vite compte que les occupants étaient amicaux, et pas tout à fait inconnus.

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T
<br /> Oai bravo Church !!!<br /> Il est vraiment bien cool tout ce passage de l'attaque jusqu'à celui-ci...<br /> <br /> <br />
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