Chapitre 74 : des femmes

Publié le par RoN

Sans bénéficier de l’opulence qui caractérisait les pays occidentaux avant l’épidémie, les habitants de la base d’Adams jouissaient tout de même d’une belle petite vie. Le confort était certes rudimentaire : les réserves d’eau dépendaient en grande partie des précipitations, et ils n’avaient d’autre choix que de rationner les douches ; tous dormaient dans la même pièce, et devaient par conséquent sacrifier leur intimité ; peu de loisir ; électricité limitée. Mais ils bénéficiaient d’au minimum deux repas chauds par jour et d’une sécurité luxueuse après les mois passés en situation de survie, et rares étaient ceux qui se plaignaient de leurs conditions de vie. 
Charles Moncle était toujours retenu en détention. Si au départ cela n’avait fait que renforcer sa colère, il commençait maintenant à accepter sa punition, à manifester des regrets. Des visiteurs venaient souvent discuter avec lui et il se montrait généralement aimable. Mais il était difficile de déterminer si cette bonne conduite était réellement fondée sur des sentiments francs, ou si ce n’était qu’un masque entretenu pour qu’on le laisse sortir. Dans le doute, les adamsiens préféraient ne pas lui redonner sa liberté pour le moment.
Après les attaques de nuisibles qui avaient fortement perturbé les cultures, les potagers reprenaient des couleurs et les légumes frais abondaient de nouveau. Tous ceux qui s‘y connaissaient un peu en agriculture s’étaient efforcés de mettre en place des moyens de prévenir les infections. Les déchets et excréments étaient recyclés en compost pour fertiliser la terre, et avec le beau temps, les végétaux grandissaient vite. La parcelle de super-weed avait fière allure : de dizaines de pieds majestueux s‘élevaient à près d’un mètre cinquante et les récoltes étaient très fructueuses. Au final, la drogue était ce dont les habitants disposaient le plus abondamment. En conséquence, nombreux étaient ceux à s’y être essayés. Une poignée d’irréductibles refusaient toujours d’en consommer, mais une bonne majorité des habitants avait succombé au charme de la super-weed. En tisane, en joints ou ajoutée à la nourriture, la drogue était utilisée à toutes les sauces et contribuait grandement à la bonne humeur générale.
Ils continuaient à envoyer régulièrement des messages radio, et d’autres survivants parvenaient à la base au compte-goutte. Chaque nouvelle arrivée était prétexte à une petite fête, après s’être débarrassés des goules qui pistaient inévitablement les groupes ayant voyagé en voiture. La seule chose qui pesait un peu sur le cœur des adamsiens était le manque de place et de ressources pour entamer une réelle reconstruction. Pour s’épanouir réellement, ils éprouvaient le besoin de construire, de progresser. Mais leur seul rempart contre les goules était la double clôture qui entourait la base, et qui limitait évidemment la superficie exploitable.
Certains proposaient de migrer, dans l’espoir de trouver un endroit aussi tranquille mais moins exigu, où ils pourraient envisager de mettre en place des activités plus variées et bénéficier d’un plus grand confort. L’hypothèse avancée par Gina de voyager vers les montagnes et de trouver un petit village où s’établir en séduisait plus d’un. Mais cela valait-il le coup de repartir sur les routes, courant le risque de rencontrer d’énormes hordes de goules ? Pour le moment, ils estimaient que non. Leur petite utopie d’Adams était bien trop plaisante pour l’abandonner tant que les conditions restaient viables.
Mais à vrai dire, ils n’auraient bientôt plus le choix. L’élément qui vint bouleverser leur petite vie routinière fut l’arrivée d’un grand convoi de survivants. Enfin grand, tout est relatif, mais les trois bus qui se présentèrent un beau matin aux portes de la base devaient contenir assez de gens pour que leurs effectifs soient doublés d’un coup.
En se dirigeant vers l’entrée du camp, où étaient déjà regroupés une bonne moitié des habitants, Jack crut un instant que son pire cauchemar était devenu réalité : en effet, les véhicules renforcés à l’aide de grilles et de barbelés rappelaient fortement les bus utilisés par les Raiders. Mais ils n’étaient pas escortés par la classique armada de motos, et la femme qui sortit du premier véhicule pour se présenter n’avait rien du psychopathe nommé Vicious. Ses traits étaient tout de même ceux d’une dure à cuire, et la machette rouillée qu’elle portait à la ceinture témoignait d’une longue période de lutte pour sa survie. Elle se nommait Carolane, était âgée d’une trentaine d’années et avait en effet traversé des épreuves très difficiles.
Malgré la méfiance de ses camarades face à une telle armée, Jack n’attendit pas pour faire entrer les nouveaux arrivants dans la base. Ou plutôt les nouvelles arrivantes, car il s’avéra que les véhicules étaient occupés par une grande majorité de femmes. Seuls un ou deux vieillards et quelques enfants étaient de sexe masculin. Tous avaient l’air exténués et terrorisés. Leur voyage avait du être sacrément éprouvant.
La première chose qui fut demandé aux adamsiens fut logiquement de la nourriture et de l’eau. Les nouveaux arrivants furent conduits au réfectoire, où ils purent prendre leur premier repas chaud et abondant depuis des jours. Bien entendu, le doublement de la population de la base nécessiterait à l’avenir de bien gérer le stock de provisions. Mais pour le moment, personne n’avait le cœur de refuser du rab à ceux qui en réclamaient. Les adamsiens comptant plus d’hommes que de femmes, nombreux étaient les célibataires qui se réjouirent de l’arrivée de toutes ces nanas. La fête de bienvenue serait certainement teintée de l’odeur de la séduction… Mais pour le moment, des problèmes plus importants devaient être abordés. 
« Qui est le chef, ici ? interrogea la dénommée Carolane après avoir englouti deux assiettes de pattes. Il faut que je lui parle en privé. »
La jeune femme s’imposait comme le leader du groupe. Visiblement, tout le monde n’avait pas décidé de vivre dans la philosophie anarchique. Mais pour voyager sur les routes infestées de goules, cela était peut-être préférable.
En réponse à sa question, tous les regards se tournèrent vers Jack, qui leva les yeux au ciel. Mais ce n’était peut-être pas le moment de se relancer dans le débat sur son rôle dans la base.
« On va dire que c’est moi… soupira-t-il. Je m’appelle Jack.
-    Tu n’as pas l’air d’un militaire…
-    Je n’en suis pas un. Le colonel Amagi, qui dirigeait ce camp, est mort il y a quelques semaines. J’ai plus ou moins pris sa place. Mais je ne suis pas le commandant. Si tu as quelque chose à annoncer, tu peux le faire devant tout le monde. »
Carolane jeta un regard suspicieux autour d’elle. Elle n’était pas certaine que ce qu’elle avait à dire devait être balancé comme si de rien n’était.
« OK… accepta-t-elle malgré tout. Mais je ne veux pas déclencher la panique ici…
-    Allons, on en a vu d’autres, tu peux y aller. Je ne vois pas ce qui peut être pire qu’une horde de zombies…
-    Eh bien, justement, c’est ça. On a une meute aux fesses depuis des jours, et je suis sûre qu’elle finira par arriver ici.
-    Oh, ça on s’en doutait. Il n’y a pas à s’en faire, on est habitués. »
En effet, Carolane pu voir par la fenêtre que de nombreux habitants avaient pris place entre les deux clôtures de sécurité, armés et prêts à recevoir les goules qui finiraient inévitablement par arriver. Mais leur nonchalance inquiétait Carolane. Visiblement, ils n’avaient aucune idée de ce à quoi ils allaient avoir à faire. Aussi entreprit-elle de raconter son histoire. Et celle-ci était pour le moins inquiétante.

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T
<br /> Youpi !!! Encore une histoire dans l'histoire. Tu illustres parfaitement les récits en emboîtements dans ce roman...<br /> <br /> <br />
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