Chapitre 59 : exécution

Publié le par RoN

« Est-ce que tu fumes ? » interrogea le colonel Amagi en tendant une cigarette à Paul.
Le meurtrier avait passé la nuit en cellule, bénéficiant d’un repas chaud et d’un sommeil tranquille, un luxe après ce qu’il avait traversé dernièrement. Mais cela ne durerait pas.
Les occupants de la base avaient décidé de se laisser la nuit pour réfléchir au sort du meurtrier. Tous avaient ainsi pu peser le pour et le contre, continuer à débattre entre eux et s‘assurer que leur décision était juste. Peur, vengeance, pardon, chacun avait examiné ses motivations à la loupe pour, au matin, procéder au vote final. Et à douze voix contre cinq, l’exécution de Paul avait été décidée.
Même si les avis divergeaient, tous se satisfaisaient plus ou moins de ce pseudo-procès. Si cela était bien loin des jugements classiques, avec procureurs, avocats et jurys, leur manière de procéder semblait tout à fait légitime. Tous ceux qui le désiraient avaient pu s’exprimer et voter, à la fois les personnes directement concernées et les autres, plus objectifs. L’accusé avait exposé sa défense – pitoyable – et la décision finale avait été rendue après mure réflexion. L’essence même de la justice.
 « Pitié, colonel… supplia Paul alors que les soldats le sortaient de la cellule. Ne me tuez pas…
-    Je ne suis pas pour la peine de mort et je ne te connais pas. Mais ce que tu as fait est impardonnable, et tu dois payer. Sois un homme et accepte les conséquences de tes actes. Alors, tu la veux ou pas, cette clope ? »
Paul était bien trop dévasté pour répondre, et préféra se débattre en hurlant alors qu’on le conduisait à l’extérieur. Armes en main et n’attendant que le prétexte de s’en servir, les étudiants le tinrent en joue tandis qu’arrivait celui qui allait être son bourreau.
La manière de tuer Paul avait beaucoup fait débat. Logiquement, ceux qui avaient voté contre l’exécution prirent le parti d’une manière douce, sans douleur, la plus rapide possible. Une balle dans la tête était la plus simple solution. Mais ceux qui cultivaient la plus grande haine pour le meurtrier souhaitaient le voir souffrir, le punir le plus sévèrement possible. Au final, Lloyd proposa de le faire mordre par une goule. Aussi horrible cela soit-il, nombreux sont ceux qui approuvèrent. Les partisans des deux camps s’opposèrent vivement.
Ils décidèrent donc de couper la poire en deux. De toute manière, ils n’avaient pas de goule sauvage à disposition. En revanche, ils disposaient d’une véritable usine à Ghoulobacter : le docteur Church. Un peu de sang prélevé sur le médecin et injecté à Paul suffirait pour faire de lui un zombie. Et finalement, la punition était parfaitement adaptée : le meurtrier avait lui-même tenter de tous les faire contaminer. Quelle meilleure manière de rendre justice ?
Tous les habitants de la base étaient réunis pour assister à l’exécution, y compris les enfants. Gina y avait été fortement opposée. Mais ce n’était pas la première fois que les gosses assistaient à une contamination, et ils s’en remettraient. La violence et la mort faisaient désormais partie de leur quotidien. Ils avaient pris part au vote, il fallait maintenant qu’ils observent les conséquences de leur décision.
Jack prit la parole.
« Paul Sewart. Tu as tenté de tuer la plupart des personnes ici présentes. Tu es le meurtrier de quatre de nos compagnons. Nos amis, notre famille. Arvis Bronson a perdu son bras directement à cause de toi. Pour cela, tu vas être puni. As-tu une dernière chose à dire ?
-    Je vous en supplie, ne faites pas ça ! Je regrette, je vous le jure ! Je ferai tout ce que vous voulez !
-    Tu es bien trop instable et dangereux pour mériter notre confiance. On ne peut pas prendre le risque de te garder avec nous.
-    Alors laissez-moi partir ! Pitié !
-    Il a raison, intervint Gina, incapable d’imaginer le spectacle qui allait suivre malgré toute la haine qu’elle éprouvait pour son ancien ami. Pourquoi le tuer ? On pourrait le laisser s’en aller.
-    Non ! protesta Arvis. Nous avons tous voté. Il doit payer ! Je veux le voir subir ce qu’il voulait nous faire…
-    Mais regardez-le ! s’écria Gina. Il est terrifié, il ne recommencera pas !
-    On ne peut pas en être sûr, dit Jack en la prenant par l’épaule. Pense aux enfants, Gina. Pense à Alice.
-    Je… je sais mais… je ne veux pas devenir un monstre…
-    C’est lui le monstre, ma chérie. C’est notre devoir de nous en débarrasser. »
Histoire d’être certain que Gina n’était pas la seule à flancher, le jeune homme proposa de voter à nouveau. Mais mise à part l’institutrice, personne n’avait changé d’avis. Même les enfants, pourtant impressionnés par toute cette cérémonie. La peine capitale était toujours gagnante.
« Alors c’est décidé, conclut Jack. On ne reviendra pas en arrière. Dis adieu à ce monde, Paul. L’heure de ton châtiment a sonné. Et la sentence est la mort par goulification. »
Paul hurla et se débattit tandis qu’approchait le docteur Church, armé d’une seringue remplie d’un liquide noirâtre. De la visque, issue du propre corps du médecin-goule. Mais alors qu’il allait planter l’aiguille dans le bras de sa victime, fermement maintenue par les soldats, il sembla renoncer. Ses yeux brillaient d’une lueur étrange, terrifiante pour Paul, et de sa bouche entrouverte coulait un peu de bave. Jack devina ce qui allait faire quelques secondes avant qu’il ne passe à l’acte.
Depuis quelques jours, le docteur Church ne parlait presque plus. Difficile de savoir ce qui tournait dans sa tête, mais son comportement était en tout cas plutôt étrange. Il passait le plus clair de son temps seul et avait l’air extrêmement nerveux quand quelqu’un l’approchait. Les scientifiques le soupçonnaient d’être en train de perdre le contrôle et préféraient le garder à l’œil. Mais le médecin était quelqu’un de responsable et ne ferait probablement pas courir de risque à ses camarades. S’il sentait les instincts de zombie le dominer, il quitterait la base sans attendre.  Néanmoins, face cette proie offerte à lui et promise à la goulification, il choisit de céder à ses pulsions.
Jetant sa seringue à terre, il bondit sur Paul et avant que quiconque ait pu intervenir, planta ses dents dans le cou du meurtrier. Celui-ci hurla, se débattit, mais le médecin était d’une force surhumaine. Il fallut trois militaires pour le faire lâcher prise. Tous braquèrent immédiatement leurs armes sur lui, mais il semblait avoir déjà repris le contrôle de lui-même. Essuyant le sang à sa bouche et baissant les yeux de honte, il s’éloigna lentement sous le regard empli d’horreur et de dégoût de ses camarades.
Et finalement, cela ne changeait pas grand-chose. Qu’importent les moyens, le résultat escompté était là. Le corps de Paul s’agita sous les derniers sursauts de l’agonie avant de s’immobiliser. Une minute plus tard, il ouvrait à nouveau les yeux.
Ils étaient encore tous légèrement sous le choc de l’attaque du docteur Church, mais Béate ne comptait pas laisser la nouvelle goule les prendre de court. Le monstre eut à peine le temps de se mettre sur ses pieds pour commencer sa nouvelle vie que la jeune fille lui faucha les deux jambes d’un coup de sabre. Sans pitié, elle lui coupa ensuite un bras, et l’autre.
Un pied sur sa cage thoracique, elle regarda pendant une bonne minute le zombie agiter ses moignons sanglants en bavant et grognant. Une fin minable et cruelle, pour un enfoiré minable et cruel.
« Tiens mon cœur, fais-toi plaisir » dit-elle à Arvis en lui tendant le sabre, après avoir pris le soin de cracher à la face du zombie.
Le jeune Bronson vint prendre sa place et considéra quelques instants la carcasse pitoyable, incapable de bouger mais encore en vie. Paul l’enfoiré était bien loin. Ce qui se débattait sous son pied n’avait plus rien d’humain. Mais cela ne diminuait en rien la haine du jeune homme. Il poussa un cri de rage et enfin, enfin il lui asséna le coup de grâce, séparant la tête du tronc mutilé. N’ayant plus qu’un seul bras pour brandir le katana, il dû s’y prendre à plusieurs reprises pour y parvenir. La boucle sanglante avait finalement été bouclée.

Publié dans Chapitres

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
<br /> "L’heure de ton châtiment a sonné. Et la sentence est la mort par goulification."<br /> Tout simplement énorme cette phrase! Magnifique.<br /> <br /> <br />
Répondre